dimanche 12 novembre 2017

Petites Curies

Pendant la Grande Guerre, Marie Curie (dont nous célébrons le 150è anniversaire de la naissance à Varsovie) sauve de nombreux soldats en créant des véhicules radiologiques mobiles : les petites Curies.

Il y a encore quelques années, Roseline Debaillie (1) ne savait pas grand-chose de la Grande Guerre. C’est en découvrant une simple plaque sur une maison de sa ville de Furnes, dans le nord-ouest de la Belgique, que cette guide locale s’est passionnée pour cette période et surtout pour une grande figure de l’époque : "Pendant la Première Guerre mondiale, la physicienne Marie Curie a résidé ici", lit-elle devant la façade typiquement flamande de l’ancien hôtel de la Noble Rose. Quelques mots qui ont aiguisé la curiosité de cette infirmière de métier. Comment la double prix Nobel franco-polonaise, internationalement reconnue pour ses travaux sur la radiooactivité, s’est-elle retrouvée dans ce petit bout de Belgique en pleine guerre ?






Au début du conflit, Furnes, située à la frontière franco-belge, échappe à l’invasion allemande et devient le quartier général du roi Albert 1er de Belgique. La ville se trouve également être le dernier refuge du service de santé belge. C’est ici que les blessés arrivent en grand nombre depuis le front situé à quelques kilomètres, où Belges et Français se battent côte à côte  À l’hôpital militaire de Furnes, le docteur Frans Daels voit arriver chaque jour des centaines de soldats atrocement mutilés. Face à l’ampleur de la tâche, il décide de faire appel à l’une de ses connaissances, Marie Curie. 

"Avant guerre, il était professeur de gynécologie à l’université de Gand. Il avait eu des contacts avec Marie Curie pour comprendre comment le cancer féminin pouvait être traité par le radium. Il n’avait jamais cru qu’une scientifique si importante lui viendrait au secours, mais pourtant dès le 5 décembre 1914, elle arrive ici à Furnes avec une voiture de radiologie", explique Roseline Debaillie. 

Ce sera la première d’une série de 10 visites en Belgique, rien que pour la première année de guerre.
Dans une exposition organisée à l’office de tourisme de cette ville flamande, la guide devenue historienne amateure (je joue comme vous voyez avec l'écriture inclusive) raconte comment, pendant quatre ans, la physicienne et chimiste, veuve depuis la disparition prématurée de Pierre Curie en 1906, s’est dévouée entièrement à l’effort de guerre. : 

-"Quand le conflit a éclaté, elle a décidé d’arrêter temporairement ses recherches sur le radium et elle s’est concentrée sur la radiographie parce qu’elle savait que les services médicaux auraient besoin de cette technologie assez nouvelle inventée en 1895 par l’Allemand Wilhelm Röntgen", décrit Roseline Debaillie. "Elle a rassemblé dans une premier temps, les appareils disponibles dans les laboratoires et chez les constructeurs pour les installer dans des hôpitaux".

Mais très vite, la scientifique comprend que les soldats sont souvent trop grièvement blessés pour supporter le transport. Elle décide alors d’amener directement la radiologie auprès des victimes en créant des unités mobiles. Une vingtaine de véhicules seront équipés grâce à l’aide notamment de la Croix Rouge, mais aussi de constructeurs comme Peugeot ou Renault.



Le Musée Curie conserve une collection exceptionnelle regroupant les 8 premières affiches de prévention du cancer. Au tout début des années 1920, au moment où sont créés les Centres de lutte contre le cancer, une « propagande anticancéreuse » se met en place. Il s'agit d'éduquer la population, de l’avertir que "le cancer peut être guéri", surtout si son diagnostic est précoce. C’est ainsi que de grandes affiches colorées accompagnées d'un texte bref et impérieux sont diffusées dans les lieux publics. Leur création est confiée à des peintres affichistes renommés et talentueux : André Wilquin, Bernard Villemot, Paul Colin, Jacques Nam ou Guy Georget.


En 2012, l'ACR (American College of Radiology) a fait don au musée d'une archive importante pour l'Histoire, un document précieux et rare. Il s'agit du seul film connu à ce jour où l'on peut entendre la voix de Marie Curie. Il date de 1931. En juillet cette année-là, à Paris, Marie Curie reçoit la médaille d'or de l'ACR pour ses contributions à la radiologie. La cérémonie de remise de la médaille et le discours prononcé par la savante sont immortalisés dans l'un des tout premiers films parlants.



"Marie Curie est de tous les gens célèbres dans le
monde, la seule qui n’est pas pourrie par la célébrité"
(Albert Einstein).

‘"lle souffrait du personnage que le monde voulait voir
en elle, si forte et intouchable était sa nature qu’elle
restait incapable jusqu’à la fin de se prendre un air qui
allait avec la célébrité, elle n’a jamais compris l’art d’être célèbre’"
(Eve Curie)