mercredi 3 août 2016

Valcabrère médiévale (8)

le double mur de 400m dans le village
 des murs de soutènement partout...

      les barthes de Jean-Marc...

               ...le port romain autrement !

Je n’en ai pas fini avec Vacabrère, commencé ici : http://babone5go2.blogspot.fr/2016/06/valcabrere-1.html, et apparemment terminé là : http://babone5go2.blogspot.fr/2016/06/portus-convenae-7.html. Vous allez me dire que je n’étais pas trop certain de moi avec cette hypothèse de quais en dur du port romain, surtout ce qui me gênait, c’est cette Garonne barrée par un mur (romain) pour la faire monter de…dix mètres ? Un peu trop ? Sûrement !

ce billet est très sérieux : tout repose sur la carte et les photos aériennes de l'IGN
...et puis sur les investigations sur le terrain !

Pourtant, je retrouve les fondations du barrage présumé sur cette photo. Bien avant le verrou glaciaire de Gourdan, tout en marbre, qui rejette la Garonne vers le Nord : il suffit de louer un canoë pour aller voir de plus près, facile d’imiter ces estivants :

à gauche le verrou glaciaire de Gourdan en plein marbre
au centre, est-ce la trace du barrage romain ?



à gauche ce qui n'est peut-être qu'un mur de soutènement
l'amphithéatre entouré par son chemin arrondi au Nord de la station d'épuration
notre Garonne romaine coule dans le pré pâle au Sud de son lit actuel
pourquoi l'accostage ne se ferait-il pas au Sud du moulin des moines
desservi par le chemin qui remonte vers le plateau ?
Je trouve même tout près du fleuve, proche du moulin des moines, ce magnifique paysage de Garonne, à l’étiage, parsemée de renoncules en fleurs, un lieu d’accostage parfait, d’où il suffit de tirer des colonnes (fictives) de marbre pour les faire remonter sur le plateau (la pente est très raide, mais enfin… !)
date : 1369 ! l'eau de la Garonne a du mal à accéder : elle s'est enfoncée !


des plaques de renoncules flottantes (ranunculus fluitans)





Pourtant, Jean-Marc Rinkel, l’architecte qui nous accueille aimablement ce mardi 2 août pour nous montrer les détails du paysage passés inaperçus, nous cite ces études : « Nouvelles données sur l'urbanisme de Lugdunum des Convènes. Prospection aérienne et topographie urbaine. Jean-louis PAILLET, Catherine PETIT. 1992, Aquitania, tome X ». On y parle non seulement du port fluvial, et aussi d'un amphithéâtre permettant l'organisation de spectacles de batailles navales (au-dessus de l'actuelle station d'épuration), qui « posent la question d'un possible barrage au niveau des "gorges" situées entre Bordes et Barsous ». Ouf, voilà du renfort ! Décidément cet hiver il faut absolument relire les revues de la Société d’Etudes du Comminges, et les articles oubliés de Gabriel Manière, en charge à l’époque du canal de Saint Martory ; et de Simone Bouch. Et puis, il faut lire l'AVAP, je vous mets le lien in fine !

Nous nous livrons donc à une ballade étonnante, dont le fil conducteur est le suivant : Valcabrère et St-Bertrand sont dominés par le Turon de Campels, 828m. Par le Sarat, 711m. Par Campan, 602m. Sans oublier le Mont Lau, 608m. Toutes ces montagnes ruissellent, l’eau pluviale étant collectée par deux ruisseaux, de Rioumort, et de Sarp, qui finissent par se jeter dans la Garonne, par le vallon encaissé qui débouche sur le moulin des moines.

Eh bien, exactement comme en Provence, ces ruisseaux à l’époque médiévale, ont été eux-mêmes collectés en fossés d’irrigation gravitaire, irriguant des calans, exactement comme en Crau. On reconnait bien ces prairies nivelées, séparées par des murs de galets pris en Garonne. Séparées par des chemins rehaussés par rapport au terrain avoisinant de 1 m de hauteur, eux-mêmes longés par des fossés. De l’irrigation gravitaire destinée à produire du foin, pour élever du bétail, le même qui était vendu dans le marché romain bien identifié au centre-Ville. Là où l’interprétation de Jean-Marc est fascinante, est que comme les alluvions de la Durance en Crau, apportant des particules fines s’accumulant sur les terrains originaux, (la nite), il estime à 1, voire 2 m les apports en 2000 ans, depuis la période romaine, prolongée par l’époque médiévale. Au lieu qu’à Pompéi la Ville et sa proche banlieue soient recouvertes par des cendres volcaniques, ici la couverture est en terre d’érosion venant des montagnes environnantes. Creusons deux mètres, on retrouvera les mosaïques préservées.

Saint-Just : une île au milieu des barthes

la route rehaussée d'un mètre ; les fossés longitudinaux ; les barthes

les mêmes qu'au marché romain central

le calan ; le fossé d'irrigation ; la route forme barrage ; d'autres fossés, les barthes

Nous parcourons les prés nivelés entourés de leurs fossés et de leurs murs bas, pour retrouver les fossés d'aujourd'hui, bien mal entretenus : du coup, les terrains restent humides et le maïs pousse tout vert sans aucune irrigation artificielle. Le camp romain de forme carrée reste entouré de son mur d’origine, en béton (romain), qui s’enfonce de 2 mètres lui aussi !


Autre observation : le village de Valcabrère est implanté rive gauche de la Garonne sur une falaise parfois abrupte, faite de limons dont la pente naturelle est plutôt  45° que de 90° ! Aussi toute la berge est confortée de murs de soutènement (nous y voilà) qui permettent aux jardins de surplomber le fleuve, avec des vues magnifiques.

du béton romain !
Nous retrouvons la trace de ces murs au moulin des Moines. Pour Jean-Marc Rinkel, ce sont ces mêmes murs de soutènement que l’on prend pour les embarcadères du Port Romain, et qui d’une certaine manière étaient le rempart final des barthes situées plus au Sud, pour bloquer la rive gauche.

de simples murs de soutènement, formant terrasse de l'ultime barthe ?

Dernier argument, un mur parallèle, ou plutôt deux murs parallèles d’une longueur de 400m, séparés de 7 à 10m et comblés de matériaux de réemploi, marquent toute la partie Sud du Village de part et d’autre de la route principale, sans doute située sur la route romaine, confortée plus tard par les Evêques.

on en distingue la partie Sud en bas à gauche : le jardin de chaque maison est
traversé sur ce mur qui forme une terrasse sur laquelle ont été plantés des arbres d'ornement


Les romains ont donc réalisé des travaux romains

à Valcabrère

le port n’est pas le port

à l’époque médiévale, les prés étaient irrigués par des calans comme en Crau

les basiliques s’ajoutaient les unes aux autres

le marbre était le matériau de choix, transporté jusqu’à Versailles

et les de Lassus en contrôlaient la distribution, pour le compte du Duc d’Antin, neveu de la duchesse de Montespan,

 faisant de Valmirande un Conservatoire unique des marbres pyrénéens…

…que d'histoires !

la photo de la carte en tête :
on distingue parfaitement le camp romain carré :
des barthes, partout ...!

pour retrouver les études de l'AVAP :

http://jeanmarc.rinkel.free.fr/bibio.html