mardi 12 juillet 2016

Retour à Bonnefont (12)

il faut venir la nuit pour voir les fils lumineux
de Florence Carbonne 
"le bel été, trouver la faille"

C’était il y a un an, pile. Je vous sers onze épisodes sur Bonnefont, après une quête infernale pour recoller les morceaux de l’abbaye dispersée aux quatre vents. (1) Sur place, le chantier de la reconstruction du mur de la salle capitulaire avance, porche central posé, et partie gauche. Je devrais dire partie Nord. Je me dis que la prochaine étape sera la partie droite, au Sud reconstituant ainsi la façade de l’ancienne gendarmerie de Saint-Martory ?

Je me dis, mais j’ai tort !


Nos amis toulousains veulent voir sur place, facile de s’y rendre, il fait beau, il n’y a personne, sauf les organisateurs de la soirée de ce samedi 9 juillet, qui va voir illuminer les montages de Florence Carbonne. Avec le slogan : « Le bel été…trouver la faille »

Les blés sont mûrs, les scabieuses en fleurs, les demi-deuils volent en quantité, c’est l’été, le bel été. Il fait chaud, indispensable de se cacher à l’ombre. Florence Carbonne a tendu des fils partout, on ne peut entrer dans le cellier, encombré des ingrédients destinés au pot du soir.



Tiens, l’entreprise spécialisée dans les monuments historiques est partie ? Tiens, la façade centrale du morceau de la salle capitulaire est décalée vers l’avant. Tiens ? "ils" ont créé un demi-cercle (en partie) poli au Nord. Tiens, "ils" ont cimenté la partie droite, imitant ainsi les ruines à l’antique des monuments antiques. Tiens ? "Ils" n’ont pas fini les parties supérieures…tiens ? "ils" ont laissé l’herbe par terre, sans reconstituer la moindre parcelle du dallage du cloître disparu…


…ça y est, je comprends : il s’agit d’une évocation sans doute…de l’évocation d’une reconstitution inachevée. La beauté est dans la suggestion : au visiteur de dupliquer (mentalement) les parties reconstituées, de se projeter, pour compléter les parties manquantes : œuvre d’imagination, certes, mais qu’ont-"ils" donc fait des matériaux, colonnes et chapiteaux d’origine sans doute encore cachés dans leur réserve ?


pas mal les pilastres : comme ceux du Capitole et du Gand Trianon : il s'agit de l'incarnat de Caunes du Minervois,
provenant de la carrière du Roy, réservée à Versailles, donnant le marbre rouge du Languedoc

Impossible de rester plus longtemps pour attendre le soir : nous partons pour Saint-Martory, voir la façade de la Mairie : tiens ? les colonnes du haut sont restées en place, on aurait défiguré la façade si on les avait démontées. Et puis…l’imagination fait le reste, on imagine assez bien Bonnefont reconstitué au premier étage ? Halte devant l’église pour revoir le portail. On rêve de le démonter pour le remettre en place, il suffirait de créer une porte toute simple, personne n’y verrait malice. Méditation à l’intérieur devant la grand-croix, vient-elle de Bonnefont ? Salut à Saint-Joseph, robe magnifique qui recouvre celle de l’enfant-Roi.























Tant qu’à faire, nous filons à Touille pour revoir l’église démontée puis remontée à grand coups de 88 transports par charrettes : toujours là, fermée, façade imposante, avec ses voussures en billettes régulières et en torsades périphériques, je vous ai dit en son temps ce que j’en pensais, à destination des pélerins de Compostelle censés retrouver leur chemin de Saint-Jacques en suivant la voie lactée.















J’en rêve toujours : d’une évocation de Bonnefont en 3D : les photos des parties disséminées rassemblées ; les colonnettes remises virtuellement en place. Les dallages des promenades reconstitués. L’ombre et la lumière. Le murmure de la fontaine. Le dortoir des moines. On verrait tout cela en relief dans l'obscurité protectrice du cellier...

Et les Pyrénées tout autour, avec les demi-deuils qui volent et volent tout l'été dans les champs alentour.

Ca y est, ça fonctionne, en quelques heures,

je me suis projeté :

j’ai fait ma reconstitution perso !








(1)    http://babone5go2.blogspot.fr/2015/08/les-chiens-dorion-11.html, et voir les 10 épisodes qui précèdent, vous saurez (presque) tout sur Bonnefont, l’abbaye aux trois cents colonnes


"Florence Carbonne porte un univers filaire et minimal qui se goûte au grand jour dans les espaces autour
de l'abbaye ou dans l'intimité des salles plongées dans le noir profond. Sensible, poétique et magique"
(extrait de la notice)