samedi 1 novembre 2014

Caius Julius Serenus

Qui c’est ?

Nous avons tous les mois une conférence (gratuite) grâce aux archives départementales. Super on y entend parler des sujets les plus divers. Derrière moi, une dame vient d’Auch, elle a parcouru 80 Km. Elle papote avec une voisine qui vient de Sauveterre, dix kilomètres seulement. Il y a même des gens d’ici, et même des Toulousains qui viennent se dépayser, pour échanger avec nous qui leur rendons la pareille puisqu’un cycle symétrique se déroule dans la Capitale.


Ce soir, c’est Jean-Luc Schenck-David, conservateur du musée départemental de Saint-Bertrand de Comminges qui est au micro. Il est accompagné de son épouse, et vient actualiser ses recherches sur un dénommé Caius Julius Serenus. Un personnage dont le nom figure sur au moins 5 plaques votives épigraphiques (des écritures sur des marbres jaunes de brèche de Saint-Béat) trouvées par Bertrand Sapène dans les années 20 à 30. Sauf que Sapène étant instituteur émérite certes, mais pas vraiment historien, a parfois enjolivé les choses, et que de véritables historiens se doivent d’en revenir aux faits.


En tous cas, nous sommes dans les années cent, du temps de Trajan, et sa femme, car il faut immédiatement rechercher la femme dans toute histoire qu’elle soit moderne ou antique, est Pompeia Plotina, Plotine, l’impératrice. Elle est née et a grandi à Escacena del Campo, en Bétique, sous le règne de l'empereur romain Néron. Elle est la fille de Lucius Pompeius et Plotia, qui ont de nombreuses relations politiques. Plotine est décrite par les auteurs antiques comme une femme cultivée, intelligente et modeste, de grande vertu et pieuse. Elle est aussi réputée pour son intérêt pour la philosophie, et l'école épicurienne d'Athènes sera sous sa protection.

On lit son nom sur une plaque, et on se demande si, copine de la "meuf" de notre Serenus, ce n’est pas elle qui l’a pistonné pour une carrière prestigieuse. Car le nom de l’épouse de notre héros est inscrit sur une plaque votive, Julie, reconnaissez que dans le monde romain c’est rare que l’on parle de la femme-de, sauf si elle a du pouvoir.


Quelle carrière ?

Serenus est IIIIvirat, ce qui veut dire quatrième Conseiller (il y a 4 traits verticaux) d’un Conseil municipal de quatre membres. Cela attire mon attention, car dans une ville comparable, il existe aujourd’hui 33 conseillers municipaux, ce nombre énorme diminuant l’importance de chaque conseiller qui ne compte évidemment que pour 1/33° au lieu de ¼.

Voilà qu’il devient sacerdos, c'est-à-dire prêtre. Attention, il ne s’agit pas de religion mais d’hommage impérial …  à Auguste. Les tribus gallo-romaines (ne nous trompons pas : nous sommes en Aquitaine, dans un découpage vertical par rapport aux Pyrénées qui nous associe aux aragonais d’aujourd’hui ; alors qu’à Toulouse, nous sommes en Narbonnaise, la limite se tenant à saint-Girons).
Les provinces occupées par l’Empire ne sont qu’une mosaïque des peuples d’origine. Elles ne sont romaines que par un seul ciment, le culte de l’Empereur. Exercé par des prêtres-magistrats. Et puni gravement en cas de manquement. Voilà la raison du massacre des Chrétiens, qui n’ayant qu’un Dieu, refusent le culte de l’Empereur, pourtant  obligatoire, au risque de se faire lapider.

Ensuite (ça se passe encore comme ça chez nous), Serenus devient Préfet, mais attention, cela désigne ici un rang militaire, un Préfet commande une troupe de cavaliers. Il accéde ainsi au club Equestre, le rang situé juste avant Sénateur.

On n’en sait pas davantage, mais en quelques morceaux de marbre, on a reconstitué une carrière « préfectorale ».

Le côté magique (tout est magique si l’on a des yeux neufs) est l’admirable adresse avec laquelle Jean-Luc (il a deux prénoms et un nom, on voit qu’il est déformé par ses amis romains. Il a même un surnom, et porte finalement quatre noms, un de plus que Caius Julius Serenus), Jean-Luc Schenck-David donc déchiffre les épigraphes.

Nous ne voyons qu’une lettre ; deux lettres : ça suffit, il faut inventer le reste, et s’y connaitre en latin. Exemple : on voit C, il faut traduire Caius ! On voit Iul : c’est Iulus. On lit Seren, c’est Serenus. Si on lit : in nomine suo, c’est « en son nom ». Facile !

Pour sa femme, par contre, comme elle est peu connue, on trouve son nom entier : et Iuliae (et de Julia au génitif, elle s’appelle Julie, ça se portait couramment à l’époque) L(uciae) fi (liae) Fille de Lucie (au génitif, on a donc le nom de la mère, la belle-mère de Caius, vous vous rendez compte si on remonte loin ?



Tout cela confirme le statut de Lugdunum convenarum,

notre capitale romaine de Saint-Bertrand

avec l’automne, on va pouvoir retourner au musée !


Ah oui : voici Pompeia Plotina : coiffure d'époque !