jeudi 11 septembre 2014

Die Welle


la vague

Le problème quand on se met à regarder Arte, c’est qu’on prend goût à l’ambiance franco-allemande : on entend parler Français. On entend parler Allemand, c’est précis, rigoureux. On voit les progrès technologiques en médecine ; en technique tout court, en nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les documentaires sont passionnants. Et les films, on en prend plein la figure. Même s’ils ne sont pas toujours drôles !

Hier soir il n’y avait de toute façon rien d’autre à voir sur les écrans que die Welle (en Allemand) la Vague en Français. Une vague n’est pas encore un tsunami, mais bien un flux énorme d’eau, qui file comme une masse impossible à contrôler, avant de s’écraser quelque part, doucement sur une plage, brutalement sur un mur. Alors la vague explose. Mais d’autres vagues suivent inlassablement, et le principe des vagues continue, s’auto-nourrissant par lui-même.

Courbet



L’homme est par nature un animal social, et cherche à se regrouper en permanence en clans. C’est un animal intelligent construit pour le progrès, et la compétition l’amène à se dépasser toujours davantage. Le groupe efface alors la personnalité individuelle, et agrège chacun dans un processus de masse irréversible.

En Allemand, autocratie s’écrit AUTOKRATIE.

Un professeur qui comme chacun de nous a ses failles tombe devant une alternative banale : va-t-il être chargé du cours sur l’anarchie ? Ou sur l’autokratie ? Remarquez qu’il ne s’agit pas de matières anodines ! ! Le choix se fait quasiment au hasard, le collègue plus ancien,  plus conservateur, choisit paradoxalement l’anarchie. Mais il en fait une matière théorique, et sa classe est vite lassée.

Au contraire, Rainer Wenger choisit non pas d’expliquer l’autocratie, mais de la faire vivre par les élèves, dans un jeu de rôle terrible, car non maitrisable.

Il joue avec le feu, en a-t-il conscience ?


Et cela fonctionne. A toute vitesse. Comme une vague, elle grossit se nourrissant d’elle-même, pour devenir autonome, rapidement incontrôlable !


La Vague, c’est un film allemand réalisé par Dennis Gansel  en 2008 et très librement inspiré de «La Troisième Vague», étude expérimentale d'un régime autocratique, menée par le professeur d’histoire Ron Jones avec des élèves de première du lycée Cubberley à Palo Alto (Californie) pendant la première semaine d’avril 1967. Il convainquit ses élèves de l'importance d'éliminer la démocratie en ce qu'elle peut stimuler les actes individuels. L'individualisme est une tare de l'esprit démocratique qui va à l'encontre de l'intérêt général résumé dans ces mots : « La Force grâce à la discipline, la Force grâce à la communauté, la Force grâce à l'action, la Force grâce à l'esprit de fierté». L'expérience prenant des ampleurs inattendues est arrêtée au bout de cinq jours.


Le projet est repris quasiment suivant les mêmes modalités :  Rainer Wenger est donc chargé du cours pratique d’autocratie et, face à la conviction de ses élèves qu'un régime autocratique ne pourrait plus voir le jour en Allemagne, décide de mettre en place une expérience d'une semaine. En reprenant chacun des attributs qui représente une autocratie et plus précisément une dictature, on observe alors la mise en place d'une sorte de jeu de rôle grandeur nature.

C’est quoi un régime autocratique ? Il faut un leader. Le professeur, au crâne rasé, nageur sportif, qui vit sur une péniche, et prend plaisir à se baigner dans l'eau à 16° est immédiatement élu. Une discipline, le paradoxe étant qu’elle est librement consentie, chacun se sentant conforté en l’appliquant, car elle gomme les différences sociales ; de richesse ; de talents. Un uniforme s’impose rapidement, même simplement composé d’une chemise blanche et d’un jean. Puis un logo : une vague, au dessin nettement agressif. Une communauté nait, mieux, elle devient une famille pour les plus fragiles. Signe du ralliement, un salut est imaginé par les élèves, qui signe le signal d’appartenance. Dans une dynamique de groupe étonnante, chacun y va de son idée, et les principes s’organisent avec une vitesse sidérante, utilisant internet pour faire connaitre urbi et orbi la force de la Vague.

le logo très réussi. La capuche. Le treillis camoufé, tout y est

En quelques jours, ce qui n'était que de simples notions telles l'esprit communautaire et la discipline se transforment en un quasi parti politique. Les étudiants, alors motivés par ce qui leur semble être de vraies valeurs, vont s'investir beaucoup, beaucoup trop, et de manière extrême.

Dès le troisième jour, les membres du mouvement commencent à exclure puis à persécuter tous ceux qui ne se rallient pas à leur cause. Ce qui n'était initialement qu'un jeu de rôle va échapper au contrôle de Rainer Wenger. Lors d'un match de water-polo, une dispute éclate et dégénère en conflit entre les membres de La Vague et les « non-membres ». Un meurtre est évité de justesse envers un concurrent du camp d’en face : l’ennemi… !

C'est à la suite de cet événement que Rainer Wenger décide de mettre fin à l'expérience mais la vague est déjà incontrôlable.


Récemment, le bizutage d’intégration aux Grandes Ecoles de Toulouse conduisait les étudiants à envahir la Ville. La dynamique de groupe s’exerçait pour certains, avec un logo. Une blouse de couleur. Des groupes se formaient, ligués parfois contre contre  les passants. Grâce à la Loi, cela est resté anecdotique, et amusant : ils balancent des oeufs et de la farine, on en reste là ! Cette dynamique, on la retrouve dans certaines Entreprises. Dans les partis politiques, on retrouve certains ingrédients, on en a eu des aperçus au Front National. Dieudonné joue avec le mêmes codes. Il invente la quenelle.

 Il est significatif de voir que dans le groupe, certains s’instaurent immédiatement comme les gardiens, les vigiles, les videurs. Il s’agit souvent des plus fragiles, qui trouvent dans ces rôles une compensation à leurs propres frustrations ! Il suffit de voir la Corée du Nord. Les commandos pro-Poutine en Ukraine avec leurs uniformes russes sans insignes, mais leurs missiles capables d'abattre un avion civil à 10.000 mètres. Il suffit de voir l’Etat islamique, et le départ de certains jeunes Français paumés en Syrie pour faire le djihad :  l’autokratie au quotidien… !

Vous vous rendez compte ?

une semaine pour retourner une classe d’ados… !


prenons garde !