jeudi 2 janvier 2014

Paul Ducuing, sculpteur…


…de poilus… !

premier hommage aux héros de 1914 (1)

Loi du 11 octobre 1941, le gouvernement de Vichy cherche du cuivre : il décide d’enlever les statues de bronze pour les faire fondre. Surtout les sujets dépassés, vantant de grands hommes (pour lui) sans intérêt comme Victor Hugo à Paris par exemple. C’est un comble, mais il y aura pire : Vichy fera enlever les juifs, femmes et enfants ! On épargne les statues en fonte de fer. On épargne également les statues à la mémoire des morts de la guerre 1914-18. À Paris, presque une centaine d’oeuvres subissent ce sort. En province, c’est l’hécatombe : à Toulouse au Grand rond seul Rouillard avec son molosse et sa chienne sont tellement agressifs qu’on les laisse tranquilles. Je vous les montrerai bientôt. Les monuments de Fourès, de Clémence Isaure, disparaissent.











































A Lannemezan c’est la druidesse qui est condamnée. Une statue énorme de 3m de haut, qui coupe avec sa serpe une branche de gui. A Saint-Gaudens, l’américain Augustus voit son effigie arrachée, les Amériques et la France qui le couronnaient sont fondues.


A Lézignan, c’est la Capounado qui est enlevée : commandé en 1905, payé 15.000 francs ; réalisé en 1909, ce groupe à la gloire des vendanges est attribué à la ville grâce au maire radical Léon Castel et au ministre Dujardin-Beaumetz qui appartient au même parti. Paul Ducuing (1867-1949), statuaire, originaire de Lannemezan, est l’auteur de tous ces chefs-d’œuvre.  Il est contemporain de notre ami Abbal, et parfois concurrent comme pour l’appel d’offres du monument aux morts d’Hendaye. Elève de Falguières, il monte lui aussi à Paris. Lui aussi bénéficie d’appuis politiques du parti radical-socialiste en raison de son amitié avec les frères Albert et Maurice Sarraut, les fils d'Omer, ce qui lui vaut de voir l’Etat acheter ses statues. Lui aussi connait l'ascension sociale type du sculpteur-académique-heureux, avec son mariage le 8 juin 1922 (à Paris) avec la comtesse Françoise de Simard de Pitray (1864-1955), veuve d'un sculpteur toulousain. Attention, la comtesse n’est pas n’importe qui : c’est la fille de son père of course Emile-Vincent, qui s’est marié le 25 mars 1856 avec Olga de Ségur, elle-même fille de Sophie Rostopchine, la Comtesse de Ségur ! Ooouuaaafff !
 

Si les œuvres spectaculaires ont disparu, restent les monuments aux morts. Il en existe de remarquables dans notre secteur : Hendaye ; Castelsarrasin ; Valence d’Agen ; Saint-Gaudens ; Lannemezan encore. L’art de Paul est très représentatif des courants officiels de la statuaire publique de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle, marqués par un goût pour l'éclectisme et le pittoresque, l'attachement aux formes figuratives classiques, sans toutefois renoncer aux courants décoratifs novateurs du Symbolisme et de l'Art nouveau.


















Ducuing ne fait pas que représenter les poilus. Il les met en scène : le poilu glorieux, est couronné par la Victoire. La Victoire est représentée en France combattante, elle porte un casque, une épée d’officier, et arbore des palmes, comme le soldat triomphant de Valence d’Agen, ou de Lannemezan. A Hendaye, avec à la main la couronne du Héros, elle est au chevet du soldat abattu par les balles ennemies, et le veille. Le soldat est parfois « inconnu » : on le nomme Dupont. Et à Dakar, en hommage aux tirailleurs sénégalais, il fait  figurer côte à côte Dupont et Demba, ce nom étant le plus répandu au Sénégal comme Dupont l’est en France métropolitaine.
























A Saint-Gaudens, c’est toute une histoire que raconte le monument. Une histoire rarement présentée en France : Dupont sur son piédestal, car c’est le même qu’à Dakar, marche victorieux tenant une palme.


Mais plus bas, une femme : est-ce la France qui pardonne ? Elle ne porte pas de casque. Mais un voile de veuve : elle est en deuil. Compatissante, (est-ce la Mort ? une piéta ? ), elle délivre le fusillé des liens qui le ligotaient au tronc d’arbre. Elle va porter la dépouille dans une sépulture, et lui pardonner, comme aux centaines d’autres fusillés de France. Les hommes maintenant en paix, après-guerre, ont commencé de réhabiliter les fusillés.

 
                                  


           










On devrait tous  leur pardonner !

                 François Président a proposé d’inscrire leurs noms aux Invalides.

                                                 C’est amplement justifié !

la Victoire de Ducuing

(1) PS : J’ai prévu  d’autres hommages aux héros de 1914 :

-Joseph, sculpteur de Christs, c’était mon grand-père
-le médaillon d’Abbal : monument aux morts du Collège de St-Gaudens (suite)
-vitraux : honneur aux poilus
-la chanson de Craonne

Je vous ai déjà montré les poilus bleus du Comminges dans :

                    http://babone5go.blogspot.fr/2011/11/republique.html

j'ai enfin trouvé cette photo