samedi 4 janvier 2014

Du nouveau sur Europe !



Europe avait une soeur !

ces dames (grecques) ...
                 ...amoureuses de taureaux … !

Zeugma, Pompéi du moyen orient


Nous sommes au Gaziantep Museum : en Turquie, au-dessus de Chypre, limite de la Grèce. Zeugma fut fondée sur les rives de l'Euphrate par un général d'Alexandre le Grand 300 ans avant Jésus-Christ. Une ville de 80.000 habitants sur la route de la soie. Elle possédait de nombreux temples, théâtres, nécropoles et grandes demeures patriciennes romaines avec de magnifiques mosaïques et peintures murales. La mise en service du nouveau barrage de Birecik en 2000 entraina son engloutissement ainsi que sa destruction. Mais les archéologues Français veillaient ! Pendant quatre ans, des fouilles de prévention sont exécutées, heureusement car apparaissent de merveilleux vestiges, aujourd’hui visibles au musée de Gaziantep.
  
à droite, Europe, mais qui l'accompagne à gauche ?
Il faut entendre Jean-Pierre Darmont, barbe de père Noël (mais grise) et lunettes rondes d’intellectuel, le Champollion de l’interprétation des mosaïques. A peine découvertes, il vous décrit Pasiphae tombant amoureuse d’un taureau ! Pasiphaé (en grec ancien Πασιφάη / Pasipháê, « celle qui brille pour tous », une épithète classique de la déesse Lune), fille d'Hélios et de Persé , est l'épouse de Minos (roi de Crète). Apparemment Minos ne lui suffit pas : elle va vouloir absolument devenir la mère du Minotaure : ces meufs de l’époque ont des T.O.C terribles ! le TOC ; c’est de s’unir à Poséidon. Mais ce dernier n’est pas un mec (normal) c’est un taureau !


Enfin le Dieu s’est incarné dedans, combine déjà utilisée par Zeus (son frère) observerez-vous. Techniquement, il y a cependant un problème ! Dédale doit trouver un subterfuge : voici la légende : « Dédale construisit une vache de bois montée sur des roulettes ; l'intérieur était creux, et elle était recouverte d'une peau de bovidé ; il la mit dans le pré où le taureau avait l'habitude de paître, et Pasiphaé y entra. Quand le taureau s'en approcha, il la monta, comme s'il s'agissait d'une vraie vache. Ainsi la jeune femme mit au monde Astérion, dit le Minotaure : il avait la tête d'un taureau et le corps d'un homme. »
Un hybride !


Eh bien il y a à Zeugma une villa extraordinaire, forcément un haut dignitaire romain. Il fait décorer une quinzaine de pièces de scènes mythologiques, en mosaïques. Et on découvre celle de Pasiphae. On y voit même l’amour, un gosse un peu rond dans le goût de l’époque, avec l’arc qui décoche les célèbres flèches, viser la fausse vache pour ainsi magnifier la passion qui va conduire Pasiphae à une union que d’aucuns pourraient qualifier de légèrement zoophile mais enfin… l’amour a triomphé !

dans le coin bas-gauche de la mosaïque

C’est commode (si on déchiffre le grec ancien) les noms sont indiqués sur les personnages, sauf (nous fait observer Jean-Pierre Darmont) Ariane, personnage essentiel avec son célèbre fil, dont on n’a pas besoin de citer le nom : tout le monde (de l’époque) connaît : elle va guider Thésée pour ressortir du labyrinthe, en tirant sur le fameux fil !

J’ai fait comme à l’accoutumée une digression terrible avec cette histoire de taureau. En réalité, je voulais vous parler d’Europe car la mosaïque de Zeugma nous montre autre chose que d’habitude :  la résidence du haut personnage romain dont nous parlons comportait trois ailes. Celle du centre, légèrement surélevée par rapport au reste de l’édifice, correspondait aux appartements de réception. Du nord au sud, elle comprenait, outre le grand triclinium, un impluvium (petite cour bordée par un nymphée, grande fontaine ornementale) avec une représentation d’Achille. En son centre, s’ouvrait une canalisation amenant l’eau nécessaire pour recouvrir en permanence le pavement et mettre en valeur ses couleurs. Une large bordure géométrique courait sur trois des côtés de cette salle. Les murs étaient ornés de plaques de marbre tout comme le bassin à trois niches.

 La troisième salle était un cubiculum, où figurait une représentation d’Eros cerné par un très beau rinceau (volutes formées par des feuillages) et une large bordure géométrique. Les murs de ce salon étaient recouverts de peintures en trompe-l’œil, imitant le marbre, à l’instar de ce que l’on trouve à Ephèse et à Pompéi. Enfin, à l’extrémité sud, les murs d’une dernière pièce présentaient des peintures mettant en scène des personnages en pied. L’ensemble de ces salles était bordé à l’ouest d’un grand péristyle à trois portiques. Au centre de la cour, Poséidon trônait sur son char entouré d’animaux marins. Au sud, entre deux colonnes, un petit bassin aux parois peintes. Il était surmonté par une coquille marine également décorée, comparable à celle retrouvée en 1934 dans la synagogue de Doura Europos (Syrie).




Le top (pour ce qui me concerne) était la pièce de la mosaïque d’Europe et Galatia.

nouvelle lecture : l'enlèvement des deux soeurs, par les deux frères !

Première information : Europe est juchée sur Zeus, comme d’habitude : comme à Arles où le dignitaire n’était pas moins bon qu’à Zeugma. Mais là, elle n’est plus seule, il y a deux femmes sur deux animaux : la seconde ? Astypalaia (Europe avait une soeur). Elle aussi enlevée ! Cette fois par Poseidon. Je vous ai dit qu’il était le propre frère de Zeus, on comprend qu’il copie l’aîné !). Je vous fais observer que Poséidon, Dieu des mers, est le thème central de la décoration de la villa ! Pour changer de son frère-terrestre, Poséidon s’est changé en léopard-marin, un pardalokampos (en Grec). Forcément comme Dieu des mers, tout ce qui l’entoure a un parfum d’iode, il arbore un trident, et est entouré de dauphins. Vous savez peut-être que l’hippocampe, le cheval de mer, fascinait les Grecs. Ils avaient déduit de l’existence de cet animal l’existence de dérivés imaginaires : "Leokampos" (lion marin), "Taurokampos" (taureau marin), "Pardalokampos" (léopard marin), et "Aigikampos" (bouc marin). La villa de Zeugma déploie tout le cortège décoratif de l’univers marin de Poséidon. Il est terriblement varié, puisque notre pardalokampos arbore une paire d’ailes, signifiant qu’il peut aussi voler, comme un hydravion, bien commode pour enlever les « gonzesses » ! Normal, c'est un Dieu !

gros plan sur la soeur, aimée de Poséidon (on le reconnait aux ailes)

Conséquence : il y a matière à œuvre sculpturale, une meuf, (une sirène ?) juchée sur un léopard-de-mer, (un morse ?) savoir si un artiste a jamais représenté cette allégorie ?

à défaut, voici ce que j'ai trouvé !
en puis, cette Mino-vache...
...sauf si c'est Parsiphae, camouflée, tentant de tenter Poseidon transformé en taureau ?
Seconde info : il y a une autre mosaïque, et elle est titrée : on lit (si l’on déchiffre le Grec ancien) Galatia. Galateia (ou "Galatia") est représentée chevauchant le même léopard des mers, un pardalokampos. Mais celui-ci (d’un grade inférieur) n’a pas d’ailes. C'est un simple véhicule, pas un Dieu. Galatia n’est jamais que l’une des cinquante Néréides, nymphes de la mer, escortant Poseidon (un peu comme la garde rapprochée de Khadafi). Toutes ces dames étaient motorisées bien entendu. Chacune son léopard-des-mers. Comme aujourd’hui le scooter-des-mers. Dans un autre genre, la Galatie est aussi une région historique d'Anatolie (autour de l'actuelle Ankara), dont le nom vient des Galates, peuple celte de l'Antiquité. On devine (mais c'est une autre histoire) une racine faisant penser à "Gaule" ...?


c'est ça la mode : Galatia copie tout : monture ; écharpe au vent, et  pose !


Ca valait le coup de faire un tour à Gaziantep ?

Europe met les choses au point !