vendredi 31 janvier 2014

La sagesse de Deconihout


Deconihout, c’est une droguerie. Toujours fascinant une droguerie : la plus belle de France, c’est la droguerie de marine, à Saint-Servan, accolé à Saint-Malo : c’est elle qui a lancé les petits bateaux pof pof à vapeur, qui font pof pof dans une bassine d’eau, en expulsant à l’arrière la vapeur d’une micro-chaudière chauffée par une bougie. Ici la Seine est toujours présente avec ses gros cargos, mais pas de pof pof visible.

Sortis de la Cathédrale, on prend la rue du Gros Horloge évidemment, se dirigeant vers le quartier Jeanne-d’Arc. On rentre dans l’église pour admirer les vitraux. Dès la sortie, les restaurants fameux de la Ville vous attendent, notamment la plus vieille auberge de France, la Couronne.










Mais deux magasins font la Une : vous avez remarqué que, quelle que soit la Ville au Monde, Mac Do a l’art d’acheter le patrimoine le plus remarquable, c’est le cas ici avec cette maison à colombages verts, verts comme écolo ! Merci Mac Do !


 


























En face, c’est Deconihout. J’y ai d’étonnants souvenirs de gosse : pour chasser les papillons ; les élever ; les ranger une fois étalés dans des boites, il faut des accessoires : un filet (à papillons en étamine) ; des aiguilles à piquer très solides, très fines, en acier verni noir ; et des boites d’exposition, en carton vitré sur le dessus, contrecollé avec une colle en boules ambre, que l’on fait chauffer au bain-marie pour l’étaler au pinceau. Une odeur extraordinaire ! Tout cela était acheté chez Deconihout, et leurs boites sont encore exposées dans l’appartement de Roger.










Aujourd’hui, on ne chasse plus les papillons : il n’y en a plus en ville, pas davantage à la campagne, il n’en reste vraiment qu’en montagne. Plus de fabricants (français) de fournitures, on les achète en Hongrie, pays des papillons, ou Roumanie, régions encore propices à l’artisanat puisque c’est là maintenant que mon copain Jean-Luc fait mouler ses pièces de B14 au 1/7°.


Plus rien chez Deconihout, le décor est resté intact, mais on vend (on solde en ce moment) des objets de décoration pour fausses-vraies chaumières normandes tous importés de Chine.


Par contre, je trouve accrochés aux parois de l’escalier central une sagesse particulière : des plaques émaillées, qu’on peut faire faire à la carte pour peu que l’on dispose des textes : sa devise ; une maxime ; un proverbe ; quand on ne sait pas quoi faire imprimer, on invente un proverbe chinois : « le sage regarde la lune, l’idiot regarde le doigt ».
















Il y en a pour tout le monde

Les informaticiens, les désordonnés, les-en-retard,

ceux qui s’ennuient fréquentent les réunions

Il y en a pour ceux qui se douchent

Il y en a pour le Président

jeudi 30 janvier 2014

Cathédrale



Salomé

Il faut que je tienne ma promesse, vous montrer Salomé : vous avez de la chance : la façade si bien peinte par Monet est enveloppée de plastiques, pour cause de ravalement. Mais le portail de gauche est libre, et dévoile la fameuse scène, qui a inspiré notre ami Flaubert dans sa nouvelle : Hérodias : à gauche, le roi Hérode, sa femme Hérodiade, et leurs convives assis à table admirent la danse de la belle Salomé. Drôle de danse car la belle marche sur les mains, frustrant les spectateurs qui ne pouvaient cependant s’attendre à ce que sa robe lui retombe sur la tête, puisqu’elle est la fille du roi ! Plus tard Strauss dans son opéra invente la danse des sept voiles, dont il ne faut pas attendre non plus un septuple strip-tease car il s’agit d’une danse familiale ! Hérode a promis à sa fille de lui faire le cadeau qu’elle voudra pourvu qu’elle les distraie : enfant gâtée, elle demande la tête de Jean-Baptiste. « Pas de souci » comme on dit à la télé ! Juste à droite, satisfaite, elle remet la tête à sa mère, normalement sur un plateau, mais ici elle est cachée dans un panier, il ne faut pas trop offusquer les fidèles !
 

 

Il faut dire que la maman en question est loin d’être une Sainte : elle va se marier avec le frère d’Hérode (vexé on serait à moins) et Jean-Baptiste, qui est prophète et un peu puritain, a condamné ce divorce et fustige l’épouse volage. La maman « se fait donc » le prophète, en manipulant sa fille pour qu’elle le fasse trucider par son ex ! J’imagine qu’elle jette ensuite la tête aux cochons, mais ceci est une autre histoire ! En réalité, les disciples ont récupéré le corps et l'ont brûlé, cérémonie perpétuée depuis dans les feux de la saint-Jean :  à Saint-Jean de Luz, on récupère les brandons en guise de reliques. La tête du Saint a été dispersée qui à St Jean d'Angély ; ou à Amiens, à moins que ce soit à St Jean d'Acre ! On avait de drôles de mœurs à la cour d’Hérode, il faut bien le reconnaître ! De vrais sauvages !

Comme dans une bande dessinée, on assiste à la décapitation du Saint dans son cachot, à droite de la scène. La sculpture ne suit donc pas tout à fait l'ordre chronologique : la décapitation qui aurait du être au centre est  à droite, pour servir de cadre à la scène en trois actes. Le sculpteur a  fait au mieux avec la pierre !
 


Selon un texte apocryphe, la Lettre d'Hérode à Pilate, Salomé est finalement punie : il faut bien que la morale soit sauve ! On dit qu’elle meurt en traversant un lac gelé en hiver : la glace se brise et elle tombe jusqu'au cou dans l'eau. La glace se reforme autour de son cou, laissant apparaître sa tête comme posée sur un plateau d'argent. Flute alors, Jean-Baptiste s’est vengé ! On situe généralement cette légende au lac de Barbazan (Haute-Garonne), près de Saint-Bertrand de Comminges, encore connu pour ses eaux thermales. Selon Flavius Josèphe, Hérode aurait été exilé à Lugdunum près de l'Espagne, ce qui correspond à l'ancienne Lugdunum Convenarum. Hérodiade elle-même apparaît dans diverses légendes pyrénéennes comme un personnage maléfique. Vous comprenez maintenant pourquoi, même à 900 Km de là-bas, il me fallait revoir la Cathédrale de Rouen (puisque aussi bien j’y suis) !




Tant qu’à faire (d’être ici) je vous montre quelques vitraux sublimes, qui remplissent les vides des dentelles de pierre. Encore une fois, j’ai la chance que l’orgue fonctionne, instants magiques plein des sonorités de l’instrument. Quelle veine j’ai !

Nous sommes dans un Haut Lieu d’Histoire :
je viens de frotter le tombeau de Guillaume le Conquérant

son drakkar n’est pas loin

Je repense à Micheline nous parlant des Vikings ...!
...mes racines… !


en peinture, Salomé ressemble à celà !
à l'Opéra, cela peut-être...sanglant !

en pierre...la version de Rouen est finalement très...expurgée !

Cathédrales…


Abbatiales…

J’ai déjà évoqué la « ville aux cent clochers » : vous allez voir quelques merveilles de l’art gothique, le plus abouti : « le flamboyant », des dentelles de pierre, des échafaudages incroyables, et cela tient debout, étonnamment . Un souvenir : juin 1944, Rouen est bombardé (par les alliés) difficile d’éviter que des torpilles tombent sur les églises…tellement il y en a ! C’est le cas de Saint-Maclou. De la Cathédrale. Du Palais de Justice aussi !

Un gros travail de réhabilitation a été mené, et 70 ans plus tard, il faut que les jeunes générations disposent des photos d’époque pour imaginer les tas de gravats. Tant la Ville est belle… !






La plus proche est Saint-Maclou, devenue toute blanche depuis le nettoyage. Mais il faut attendre le dimanche pour entrer à l’intérieur, culte ou pas culte. Voici pourquoi je ne vous ai rien montré avant. Comme un concours d’organiste est ouvert pour tenir le grand orgue, un candidat s’exerce et met les visiteurs dans une ambiance musicale émouvante : de suite il faut s’asseoir, fermer les yeux, ouvrir grand les oreilles : rien ne donne plus le sentiment du divin que la (grande) musique : je suis traversé par les ondes sonores, les basses, les relances des tuyaux, quel régal !
  














 























Beaucoup plus tard, je décide d’entrer dans Saint-Ouen. Comme elle a été préservée des bombes, les pierres sont restées grises. En réalité, il s’agit d’une Abbaye, tellement grande qu’il y avait un cloitre dont il ne reste qu’un des côtés. Les moines logeaient dans ce qui abrite aujourd’hui la Mairie, et la Grand Place au centre de laquelle trône la statue équestre de Napoléon (la plaisanterie locale consiste à affirmer que son chapeau est trop étroit pour la tête), était le potager !


 

Je n’ai pas retrouvé cette information, mais ai le souvenir (faux ?) que la surface des vitraux mesurait un hectare ! En entrant par la porte des Marmousets située au Sud, on passe devant Rollon qui ressemble un peu à José Bové (à moins que ce soit le contraire). A l’intérieur, la rosace en face tout en haut (il faut tordre le cou à 33m) est donc la rosace Nord : une figure géométrique du sceau de Salomon. Il faut franchir tout le transept pour, se retournant, voir l’envers de la porte d’entrée, et trouver en symétrie l’arbre de Jessé, non pas représenté comme un arbre généalogique, mais les rois de Juda sont disposés tout en rond dans la rosace
 


A l’Est (vers l’Orient) le vitrail central représente le Christ en croix. A l’Ouest, ce qui était la grande entrée des fidèles est fermée à double tour. Il faudrait marcher 80 mètres pour toucher les portes ! Je reste figé en plein centre, attiré par les grilles du chœur de Nicolas Flambart en 1740. Partout, sur trois étages, des vitraux, en grisaille et or, la hiérarchie des Saints. Au-dessus des portes, un orgue gigantesque de 1630. Au-dessus encore, la grande rosace toute bleue. Par bonheur, il reste quelques cérémonies du culte, mais la Municipalité, soucieuse de rentabiliser une telle surface, l’utilise pour des expositions, sans relations avec l’histoire. J’apprends aux deux vacataires figées de froid à l’accueil où est l’arbre de Jessé, elles n’en ont bien entendu jamais entendu parler, et n’attendent que l’heure de midi pour filer dehors se réchauffer.























Je vous laisse respirer un peu avant de vous mener à la Cathédrale, il faut que je vous montre Salomé dansant pour gagner la tête de Jean-Baptiste,

ça ne va pas être triste !




je m'en suis donné à coeur joie avec les vitraux,
il est vrai que disposer d'un zoom 20x change la donne !

mercredi 29 janvier 2014

Beaux Arts de Rouen (suite)


 
vue de l'étage sur la salle des sculptures, avec Géricault...
chefs d’œuvre connus...

et inconnus  !

Je vous ai promis d’autres merveilles, il y en a plein ici. Pour la bonne règle, je vous prouve que j’ai payé mon billet, deux billets, les voici. J’aurais pu bénéficier d’une visite groupée des autres musées de Rouen : la promesse de ces offres groupées est aussi astucieuse que la seconde paire de monsieur Afflelou, difficile d’en profiter si l’on visite à fond le premier musée, d’autant qu’il ferme à midi ! Il faut que je valorise la gratuité du dimanche 2 février !

Je vous avais annoncé des photos difficiles à prendre dans l’obscurité, j’ai donc trié celles qui sont montrables, en m’efforçant de sortir des plus classiques, même si Rouen regorge de Monet (la cathédrale), de Sisley, et de peintres de l’école…de Rouen.

Dans le désordre, voici le recto (et le verso) d’une nymphe de mon copain Pradier. Toujours agréable à regarder, la finesse des tresses des cheveux. Pas loin, une sculpture de Léda. J’aime bien Léda à cause de Zeus transformé en cygne, surtout que la mythologie conduit Léda à pondre, à pondre des œufs hébergeant ses quatre gosses !


 











 















Il y a de belles vues de Rouen, la ville aux cent clochers, parmi lesquels on distingue toujours la haute flèche de la cathédrale, à propos, elle a retrouvé ses quatre clochetons de cuivre verdi.
  



Il a cette étonnante peinture d’un jardin, où les cloches de verre jointes garantissent des salades bien blanches, sur-protégées d’un soleil déjà parcimonieux.


Le meilleur pour la fin est une toile de la Fortune. On la distingue naturellement par la roue (la roue de la Fortune) derrière elle. C’est donc bien la Fortune. Elle veille (comme une bonne fée), sur un adolescent. Au poil l’ado, il est nu, une peau rose et fraiche, endormi, et tellement épanoui dans son sommeil (et bien nourri) qu’on sent une destinée sereine (et sans doute illustre) sous une telle protection (de la Fortune : un destin protégé, peut-être est-il destiné (l’ado) à de hautes fonctions ultérieures, par exemple devenir footballeur ? people à la télé ? acteur de cinéma ? que sais-je ? )


Eh bien en bas à gauche je bute sur une allégorie : il y a des osselets, symbole assurément des jeux de l’enfance. Et puis trois papillons. Un morio ; une piéride du chou. Deux sont horriblement traversés par une épingle à tête. Elle-même fichée dans le sommet d’une fleur de marguerite. Le troisième desséché a perdu l’aile  postérieure droite. Trois âmes (infortunées) percées par (le sort funeste ?).

A l’aide ! Help !

qui peut m’aider à comprendre ce symbole ?




voici la grande toile de Jules Alexandre Grün de 1911 : au salon des artistes français : chaque invité est repéré dans une liste
rien que des personnages illustres !
PS : je puis (sur demande babone31@sfr.fr) vous donner tous noms et dates des artistes représentés. D'ailleurs,  ce vulcain plus vrai que nature ne m'a pas échappé !


          quelques jours plus tard...!

P S : Cette histoire me trotte dans la tête, et je cherche inlassablement une explication rationnelle à mes observations trop entomologiques : le jeune enfant a tout bonnement chassé deux papillons, ceux que le peintre a lui même observés, et faute de matériel adéquat, a pris (dans la nature) le premier support lui tombant sous la main, pour les épingler : des fleurs des champs. Ne cherchons pas de symbole là où il n’y en a pas, puisque, tombant sur la fable de la Fontaine : La Fortune et le jeune Enfant, je trouve la source officielle de mes interrogations ! La voici :

Sur le bord d'un puits très profond
Dormait étendu de son long
Un Enfant alors dans ses classes.
Tout est aux Ecoliers couchette et matelas.
Un honnête homme en pareil cas
Aurait fait un saut de vingt brasses.

Près de là tout heureusement
La Fortune passa, l'éveilla doucement,
Lui disant : « Mon mignon, je vous sauve la vie.
Soyez une autre fois plus sage, je vous prie.
Si vous fussiez tombé, l'on s'en fût pris à moi ;
Cependant c'était votre faute.
Je vous demande, en bonne foi,
Si cette imprudence si haute
Provient de mon caprice ». Elle part à ces mots.
Pour moi, j'approuve son propos.
Il n'arrive rien dans le monde
Qu'il ne faille qu'elle en réponde.
Nous la faisons de tous Echos.
Elle est prise à garant de toutes aventures.
Est-on sot, étourdi, prend-on mal ses mesures ;
On pense en être quitte en accusant son sort :
Bref la Fortune a toujours tort