dimanche 4 août 2013

se qualcuno...


Se qualcuno
te lo sta mettendo in culo
non ti agita ...
Potresti fare il suo gioco!

C’est tellement plus poétique dans la langue de Dante !

Je ne bouge pas, je n’ai pas envie de lui faire plaisir, pourtant je hurle intérieurement ! A n’importe qui, n’importe quand, de n’importe qui, ça peut donc arriver, même d’une femme c’est tout dire ! Même cela peut venir d’une dame d’un certain âge, d’une voisine, qu’on tutoie, à qui on rend service, que l’on fréquente comme première voisine, et que l’on prenait pour une amie !

A qui se fier !

Elle possède la maison mitoyenne, et nous sommes séparés par un grillage sommaire de quarante ans d’âge, grillage jusqu’alors inconnu, enfoui à l’intérieur d’une haie de sapin, de sapinette comme on dit ici : ce genre de haies quarante ans après la plantation mesure un mètre de large, ne sent pas très bon, fait des pousses désordonnées qui nécessitent d’être coupées périodiquement, et pire, meurt de part en part laissant des taches de végétation rouille. Mais une telle haie rend chacun autonome, chacun chez soi. Je la croyais éternelle.

Nous sommes samedi 20 juillet. Elle me lance : « -je ne puis plus sentir ma haie. Elle me bouche la vue. Me rend claustrophobe. Je t’avertis : je la fais couper mardi ! » Une déclaration de guerre ! Certes c’est sa haie. Mais après, on va voir tout à travers. Sur le coup, je ne puis décider qu’une chose : en commander une par internet : nous sommes samedi : qui va me fournir de 36 mètres de haie, si ce n’est la Redoute, qui sous-traite à un fournisseur, Fence Garden ? Je commande, paie par carte-bleue. Le week-end passe, nous arrivons mardi 22. Pétarade : une tronçonneuse ! Elle est actionnée par un homme nu (le torse), bronzé, des muscles de soldat : Michel, le jardinier ! Il m’annonce fièrement être architecte-paysagiste ! Je pense aux mêmes soldats pendant les guerres : pas responsables, ils ne font qu’exécuter les ordres ! Il exécute ! Dans le cas présent, l’ordre vaut 19 Euros HT de l’heure, payé par chèque emploi-service ! Des jeunes s’agitent : la famille : les petits-enfants. Les camions de la Mairie commandés pour évacuer les sapinettes circulent en boucle. Un chantier (de démolition) super-prémédité ! En une matinée, la verdure quarantenaire a disparu. Restent les vestiges d’un grillage du même âge (c’est long pour un grillage : la moitié des poteaux est rouillée, et branlent). On me regarde, goguenard,  au travers (de travers) !

Se qualcuno…

…c’est moi !

On voit au travers comme si rien ne nous séparait plus ! (car plus rien ne nous sépare : c’est un open space comme on dit aux States). Je vois tout des poubelles de l’autre ; la route goudronnée privative qui sert à sa circulation automobile ; les voitures des visiteurs des heures au ralenti comme si le carburant était gratuit ; le garage ouvert ; les déchets qui trainent. Elle voit tout de nous : notre Paradis ; notre pelouse verte si bien tondue. Les statues ; la piscine ;  les baigneurs (parfois déshabillés). Comme elle me dit : « te voir nu ne me gêne pas ! ». Voyeuriste ! quelle découverte !

Comme on dit après les accidents : je suis choqué, anéanti, (privé de la cellule psychologique habituellement réservée aux victimes de traumatismes), avec un seul sentiment : recréer une séparation,  retrouver l’intimité perdue !

Non ti agita : le temps arrange tout ! Le grillage n’est pas complètement détruit, et la moitié des poteaux rouillés peuvent être remplacés. Le jardinier-paysagiste-soldat ne part en congés d’août que huit jours et va pouvoir retendre le grillage en fin du mois prochain. J’ai en réalité commandé ce que le commerce nomme une « haie éternelle », avec l’avantage d’avoir bénéficié de 23% de rabais puisque l’on est en crise ou en soldes ou les deux. Je serai livré jeudi.

En attendant, je découvre que la maison acquise devant notaire il y a sept ans n’a pas de clôture propre, car le grillage gondolé qui vient d’apparaître au grand jour est la propriété privée de « l’autre ». –« Et n’y touche surtout pas ! » me dit-elle !

Le Némo est parfait pour ça : il suffit de rabattre les sièges, et on peut embarquer les poteaux repérés chez Bricomarché : vingt-six de 2m de haut plantés tous les 1,5m de manière à ne pas tomber en face de la vieille clôture aux poteaux tous les 2 mètres. Plus des jambes à 45° pour bien bloquer ceux qui vont recevoir les tendeurs des trois fils horizontaux : un en haut ; un en bas ; et un au milieu. Une fois livrés, et équipés de U pour faire passer les fils, il faut les planter, sous la chaleur caniculaire de cet été caniculaire. Dur, dur, j’en plante la moitié grâce au gros marteau acheté des années auparavant dans le Gers ; puis me fais aider samedi 27 juillet par deux jeunes, Ken et Gregory, bien plus longs que je le suis pour enfoncer les 23cm nécessaires dans l’argile dure. Mais à leur départ, à 10 H 30, la clôture est posée, fragile rempart délimitant mon espace vital : ma propriété, sur laquelle je vais pouvoir greffer la « haie éternelle », un mètre quatre-vingt de haut (réglementaire), un peu plus haut que la haie d’avant !

Non ti agita : pourtant il le faut : dès l’après-midi, trois séniors, nous posons les douze pans de la haie verte, coutures en haut ; au milieu et en bas. Et peu à peu l’opacité revient, avec l’intimité retrouvée. Dimanche 28, tout est presque terminé, sauf une partie difficile d’accès derrière les rhododendrons à l’Est.

Lundi 29, le jardinier-(paysagiste)-à-la-tronçonneuse est là, pour aplanir les vestiges des souches, et préparer les futures plantations. Nous sommes de part et d’autre de la ligne de démarcation, et il est épaté des résultats obtenus par des séniors, sans l’aide de professionnels. Nous causons au travers du rideau de fer, et il a la gentillesse de planter du bon côté un poteau manquant. « Il n’en est pas à sa première héritière » nous dit-il fanfaron. (il est toujours torse nu, et après la libération que nous a apporté à tous le mariage pour tous, j’avoue ne pas être insensible à son charme ravageur). Il est (en ce moment) le compagnon de Nanna Hansen, pianiste danoise réputée, qui ne se sépare jamais de son Steinway personnel (il est là pour le transporter). Il nous invite le 10 août à Martres-Tolosane où se produit Nanna, et nous imaginant mélomanes (notre charme a du jouer dans le sens symétrique), il nous propose de nous joindre à eux pour écouter Schubert.

On dirait presque une tentative de négociation ?

Arrive l’employeuse, soupçonneuse de cette insolite collaboration, craignant pour l’emploi du temps de son employé (dix-neuf euros de l’heure), surpris à transiger avec l’ennemi.

Non ti agita ! la haie éternelle est terminée le lundi midi, vingt quatre heures avant le terme des huit jours suivant la catastrophe.

Non ti agita : mon propre jardinier (qui se nomme Gilbert et qui plante avec la lune) me propose d’attendre septembre pour de nouvelles replantations (de mon côté) destinées à cacher la haie éternelle. Elle est faite de plastique recyclé, et si elle embête ma voisine, n’est pas du meilleur goût sur le plan écologique ! Je n’avais pas le choix !

J’ai l’habitude de réagir en pensant qu’un malheur survenu, nous préserve (peut-être) d’un autre plus embêtant encore.

Ma nouvelle haie est éternelle :

je viens d’acheter un bout d’éternité.

non ti agita…

il y a des choses plus graves !


PS 1 : Ceci est bien entendu une histoire vraie. Je n’ai pas eu à modifier les noms, puisque je ne les ai pas cités. J’ai fait un peu de publicité pour Nanna Hansen, qui existe vraiment, et n’a surtout rien à faire dans cette histoire, sachant que c’est un nom d’emprunt (nous a dit Michel). Je vous joins un Steinway c’est écrit dessus. J’ai hâte de l’écouter !


PS 2 : pour ceux qui n’auraient pas eu à souffrir de ces soucis de limites de propriété, je les renvoie au célèbre livre de Konrad Zacharias Lorenz (Vienne, 7 novembre 1903 - Vienne, 27 février 1989), plus connu sous le nom de Konrad Lorenz, biologiste et zoologiste autrichien titulaire du prix Nobel de physiologie. Lorenz a étudié les comportements des animaux sauvages et domestiques. Il a écrit des livres qui ont touché un large public tels que « Il parlait avec les mammifères, les oiseaux et les poissons » ou « L'Agression, une histoire naturelle du mal ». C’est Lorenz qui m’a appris la technique de l’imprégnation.


Il explique un comportement classique des animaux (les hommes n’en sont jamais que les plus beaux représentants) délimitant ; puis défendant leur territoire ; leur « niche écologique ». Le code civil français ne fait que traduire dans le Droit ces comportements immémoriaux. Il n’est pas faux d’observer qu’un habitant-agressé d’un territoire peut devenir agressif, ce qui suppose de la part de l’agresseur de s’attendre à une réaction bien légitime. C’est notamment le cas des conducteurs d’automobile, dont le véhicule constitue, quand ils sont au volant, le territoire, Dieu sait s’ils ne se laissent pas faire… !