mercredi 30 janvier 2013

Néfertiti a cent ans !

 ou : dans la lumière d’Amarna, à Berlin


Son buste l'a rendue célèbre. Il faut comprendre :  il faut bien attribuer à nos amis allemands une œuvre comparable à la Joconde : c’est Néfertiti. Conservée au Neues Museum à Berlin. Pour préciser les choses, quand  je suis allé à Berlin à l’occasion de la semaine verte de 1962, il fallait encore passer le rideau de fer. Ca se faisait par le métro, et les Français dûment identifiés par leur passeport avaient l’autorisation exceptionnelle d’entrer, et mieux encore, de ressortir ! Je me rappelle la ville côté-Est enfermée dans ses barbelés, vide, froide et sombre. Et ma surprise de découvrir le buste, grandeur nature (donc pas si grand pour une œuvre égyptienne : 47cm). Pire, en faisant le tour, le globe oculaire absent côté gauche laissait craindre je ne sais quelle mutilation. On ne regardait la Belle que du côté intact !

Ce buste d’une reine dont le nom signifie  « la belle est venue » ou « la parfaite est arrivée ») est la grande épouse royale d'Akhénaton, l'un des derniers rois de la XVIIIe dynastie. Elle vécut aux environs de -1370 à -1333/34. Elle n’a donc pas cent ans mais 3347 ans (à un an près !).


Sa beauté est légendaire, et le buste en fait la démonstration, d’où son détournement par les firmes fabricant des produits de beauté (qui rajoutent sans vergogne l’oculaire gauche) ! En plus, elle exerçait un rôle politique et religieux important pendant la période amarnienne.












En effet, lorsqu'une équipe d'archéologues du Centre franco-égyptien d’études des Temples de Karnak entreprit récemment (grâce aux moyens informatiques d'EDF) la reconstitution virtuelle des parois du temple d'Aton à partir de talatates (un gigantesque puzzle de plus de 6666 blocs en grès retirés du IXe pylône) elle eut la surprise de constater que les représentations de Néfertiti étaient plus nombreuses que celles d’Akhénaton, son royal époux.


En 2009, l'historien d'art suisse Henri Stierlin soutient que le buste de Berlin est une copie. Il faut savoir que la découverte date du 6 décembre 1912 par Ludwig Borchardt. Une copie aurait été faite presque immédiatement ! Certains (il y a toujours des ronchons)  prétendent en effet que le buste de Berlin ne serait pas d’origine : l’œil gauche ne porte aucune alvéole en creux marquant la trace du globe oculaire manquant. La peinture est trop parfaite, et le style trop Art-Déco ! Le conservateur du musée égyptien de Berlin Dietrich Wildung ainsi que plusieurs égyptologues réfutent cette thèse et affirment évidemment l'authenticité du buste : les analyses chimiques des pigments notamment l’attestent.

Pourquoi je vous en parle ?

L’archéologue français (directeur de recherche au CNRS) Alain Zivie vient de fouiller la tombe du sculpteur, un artiste du nom de Thoutmès, patron des décorateurs des tombes de la nécropole de Saqqara, et de publier ses conclusions : « la tombe de Thoutmès, directeur des peintres dans la place de Maât » aux éditions Caracara, qui comme vous le savez sont à Toulouse. Nous sommes donc concernés ! Rendez-vous pour voir sur : www.hypogees.org

Thoutmès, voisin de tombe de la fille de Pharaon, était un artiste important et respecté qui n'hésitait pas à faire preuve d'innovation, à l'image du buste de Néfertiti qui arbore un style jamais vu auparavant. Vous connaissez les représentations égyptiennes classiques pour être de profil. En bas-relief. Le peintre et sculpteur royal s'essaye, lui, à la représentation en trois dimensions dans des portraits de face. Il est même l'auteur du premier autoportrait connu à ce jour, puisqu'il s’est lui même peint dans sa propre tombe.

Allez donc visiter Berlin, le Neues Museum,
et admirer,
la Joconde de Berlin !
jusqu’au 13 avril 2013 !


Nous avons pu retrouver une photo coincée sous les blocs de grès,  prise par un photographe de l'époque
Elle prouve que Néfertiti, avait ses deux yeux, et qu'elle est encore plus belle que son buste