samedi 29 décembre 2012

Les derniers trésors de Rome


Nous sommes vendredi 28 décembre, 20 heures 40 sur France 5 : la BBC diffuse en langue française un film de 1H25 ayant pour personnage central Sarah Parcak, docteur en archéologie, ou plutôt comme elle se nomme elle-même : Space Archaeologist. Elle est américaine, docteur à l’University of Alabama at Birmingham. Une espèce de Sidney Fox ! Là-bas, on la connaît comme US Egyptologist Dr Sarah Parcak. Elle a l’air dégourdie c’est le moins que l’on puisse dire, se ballade sur la planète depuis son bureau, (on peut faire la même chose avec Google earth d’ailleurs), mais elle a des contacts partout (des copains archéologues) puisqu’elle va systématiquement sur le terrain vérifier ce qu’elle a vu sur son écran d’ordinateur. Après l’Egypte, elle revient des environs de Rome. C’est tout dire !

Elle est géniale, car elle a su utiliser les images satellitaires avec lesquelles nous mettons en œuvre la Politique Agricole Commune en France depuis plusieurs années (nous repérons les champs, les mesurons, et calculons grâce à ces mesures les aides en Euros versées année après année aux agriculteurs), pour rechercher autre chose : des sites archéologiques disparus (puisque recouverts souvent par des cultures aidées). Elle a pensé à cette utilisation. Non seulement nous n’y avons pas pensé, (on a autre chose à faire) mais ces images (dont infra-rouges) que l’on achète très cher (j’ignore elle comment elle s’y prend pour les obtenir), on se les garde pour soi seul, et on ne penserait jamais à en faire bénéficier les copains pour une réutilisation archéologique ou environnementale par exemple. C’est ça la France, l’administration y est cloisonnée, et chacun travaille pour soi.

En une heure et demie, elle nous retrace l’immensité de l’Empire romain, de Pétra au mur d’Hadrien jusqu’en Transylvanie. Flute, personne ne lui a parlé d’Alésia, elle n’y est pas allée. Elle ne s’est pas (encore) rendue en France, patrie de la Gaule romaine. J’ai bien envie de lui recommander de se rendre (virtuellement) dans quelques unes de nos villas, et j’ai repéré son site web pour la contacter (elle travaille à distance ce qui rend imaginable une intervention ?) : son email est :  spacearchaeologist@sarahparcak.com


Je connaissais Ostie, parce que dans le site dit des Corporations, il y aurait disent les Arlésiens une mosaïque représentant Arelate, la petite Rome des Gaules. On y verrait le pont romain ? Je cherche encore, et ne l’ai toujours pas trouvée. Il y a par contre une autre mosaïque nommant Narbonne. Bref ! Ostie est un port fondamental, car c’est lui qui donnait à Rome l’accès à la mer. Donc lui permettait le commerce de l’huile ; du vin ; du papyrus, des lingots de métal, et encore plus du blé venu d’Egypte. Une anecdote : nous avons importé à Paris l’obélisque de la place de la Concorde, provenant de Louqsor, et édifié par Ramsès II, treize siècles avant Jésus Christ. Cela a été un exploit technique, puisqu’il a fallu construire à Toulon une barge de 43 m de long, le Luxor, la faire tirer par un bateau à vapeur, le Sphinx, abattre l’obélisque sans casser ses 20 m de hauteur (sans le socle), le mettre à flot, le débarquer, et dresser sur son socle (de 13 m) ses 220 tonnes. C’était le 25 octobre 1836, et nous disposions de poulies, et de la vapeur, facilitant ainsi un travail pour le moins scabreux.

Figurez vous qu’à Rome, il n’y a pas un obélisque, mais exactement treize. Tous importés d’Egypte, mais pas dans les années 1850 : deux mille ans avant. Parlons du plus grand, que l’empereur Caligula fait ramener d’Alexandrie, et  qui se dresse aujourd’hui place Saint Pierre. Ce monolithe dont on suppose qu’il provient d’Héliopolis aurait été érigé sous le règne du roi Amenemhat II (1929-1895 av. JC). Nous sommes en l’an 37, et Caligula fait construire une trirème (fonctionnant à rames, la vapeur n’est pas encore inventée !). Je vous passe les détails, mais la trimère se rend sur place, l’obélisque est démonté et empaqueté. Débarqué à Ostie, et ramené après 35 kilomètres de navigation sur le Tibre à son emplacement initial, le cirque de Caligula. C’est le pape Sixte V dit Sixte Quint (1585-1590) qui le fera déplacer, grâce au projet de Domenico Fontana, place Saint-Pierre ! Un sacré chantier !

la galère de Némi, brûlée en 1940 donne les proportions

Ostie est un peu comme Aigues-Mortes chez nous : le Tibre est boueux, et emporte sur son cours des alluvions qu’il dépose à son embouchure : Ostie est en permanence ensablé, alors que des bateaux de plus en plus grands doivent accoster, et qu’ils nécessitent un tirant d’eau de 6 mètres ou plus ! C’est Claude qui crée dans les marais rive droite un premier port, le port de Claudius évidemment. Pour le creuser (cela dure 25 ans), on affouille la partie des marais situés sur la berge. On récupère la trirème de 100 m de long construite pour Caligula, et on l’immerge en mer, remplie de rochers. Sur cet appui, on construit deux môles qui vont faire barrage à la mer. Au milieu, un phare plus grand encore que celui d’Alexandrie, le Pharos, brille toutes les nuits et signale l’entrée. Dans les années qui suivent, Trajan créera un second port, de forme hexagonale, que nous montre en vue satellitaire Sarah Parcak.



l'aéroport de Fiumicino à gauche ; la nouvelle Ostie à droite. Au fond, l'ancien rivage avec le port hexagonal de Trajan ; en face Ostie antique.
Comme depuis lors la côte s’est profondément ensablée et a avancé en mer, tous ces vestiges (dont l’emplacement du phare) se trouvent aujourd’hui dans les terres, séparés de la mer par l’aéroport de Fiumicino. Des tas de constructions modernes recouvrent le site, et les chercheurs  (de la British Academy : http://www.britac.ac.uk/index.cfm qui alimentent le site web : http://www.portusproject.org) travaillent activement à décrypter le terrain : il faut comprendre les modalités de la circulation des navires antiques dans ce site rempli d’anciens canaux ; retrouver l’emplacement précis du Pharos, et situer les monuments encore à déblayer comme un cirque (roman of course !).



Sarah Parcak réussit dans cet environnement encombré de constructions à repérer les vestiges manquants, d’où le titre : Reconstructing Portus – Rome’s Lost Empire


Conclusion1 : regardez la télé, sur la 5 (et Arte) il passe des émissions formidables !

Conclusion 2 : allez à Rome, vous regarderez différemment les obélisques !

C’est le projet que je nous souhaite à tous

 pour la nouvelle année 2013 !