jeudi 22 novembre 2012

les mammouths du Mont Dol


Ou :  au temps où les bretons chassaient le mammouth !

Nous parcourons les polders de la baie du Mont Saint Michel, étendue plate entrecoupée de canaux d’assainissement bien profonds, pour évacuer les eaux, et protégés de temps à autre par de vastes vannes qui interdisent l’entrée de la mer à marée haute. Pendant l’époque glaciaire, l’eau de mer était évidemment moins abondante, et c’est toute la Manche qui était à sec, recouverte par une vaste plaine herbeuse, semblable à la steppe de Sibérie, entrecoupée de marécages…biotope parfait pour les mammouths ! Les mêmes dont on retrouve les squelettes en grattant le fond du Pas de Calais. Les mêmes que ceux que retrouve congelés notre ami Bernard Buigues au Kathanga.


Le Mont-Dol, pittoresque relief circulaire à profil convexe si caractéristique émerge (comme le Mont St Michel et le rocher de Tombelaine) au dessus des polders. C'est un minuscule massif de granite (leucogranite aplitique) qui recoupe à l’emporte-pièce les sédiments briovériens. Parfait pour héberger nos ancêtres bretons,  au Paléolithique il y a environ 100 000 ans. Nos bretons étaient précisément des Néanderthaliens. A l’époque ils n’élevaient pas encore de porcs, mais ils chassaient le mammouth, le renne et autres rhinocéros laineux.


Comment on sait cela ? Nous sommes en 1872, et Simon Sirodot, doyen de la faculté de sciences de Rennes, est appelé par des terrassiers qui croient avoir découvert des os de baleines. Il arrive, un peu comme faisait Lartet à Simorre, et tombe sur un véritable trésor : cinquante mammouths et leurs dents, quarante chevaux, douze rhinocéros, dix rennes, quatre loups, deux ours, un lion, un blaireau, une marmotte, des cerfs, des bovidés…et une grande quantité de silex taillés ; des pointes moustériennes ; des racloirs… : on appellera ça la ménagerie du Mont Dol !


Yves Coppens intervient et raconte : « les 700 dents ? Elles sont conservées au Muséum d'histoire naturelle de Paris ainsi qu'à l'université de Rennes. Dans les années 50, alors que j'étais encore un jeune chercheur, je me suis penché sur cette superbe collection, un peu comme un dentiste. J'ai remarqué que les dents provenaient de jeunes mammouths. Pourquoi ? Sans doute parce que les chasseurs de l'époque trouvaient cette viande meilleure ou plus facile à chasser. J'en ai déduit que l'homme de Néandertal était malin et gourmand ! J'ai raconté cela aux écoliers du Mont-Dol, lorsque je suis venu les voir il y a deux ans pour inaugurer leur école, qui porte de nom de Simon Sirodot. »

Mon histoire commence à peine. Comme toujours vous l’avez compris, c’est vrai également pour la Vénus de Milo, les vestiges une fois découverts sont rapidement rapatriés dans la capitale la plus proche, pour permettre aux scientifiques de continuer de vivre (et étudier) en Ville agréablement, sans avoir besoin de mettre les pieds dans la boue des sites de fouilles. Le maire du Mont Dol est furieux !  Dans notre cas, la capitale est Rennes, et les vestiges sont hébergés au musée de géologie-Géosciences Rennes 1.

Je crains d’ailleurs qu’on ne puisse les voir car ils sont classés dans des tiroirs, chacun dans sa boite avec une étiquette manuscrite de Sirodot, il ne faudrait pas que l’on mette le bazar dans toute cette collection. Je vous mets en fin de message les liens pour voir et écouter deux petits films, passionnants car ils vous évitent de faire le déplacement pour recevoir un refus ferme de visiter. Bref !

Nous arrivons dans l’année 1941. Le nouvel Institut de géologie de Rennes se construit. Yves Milon est le doyen de la faculté des sciences et le directeur de l’Institut de géologie. Il contacte Mathurin Méheut, artiste breton célèbre, génial touche-à-tout, peintre de la bretonnitude s’il en est.  Il s’agit de réaliser 25 gigantesques toiles, afin d’orner l’Institut. Les sujets seront bretons certes, mais illustreront les paysages géologiques, et la faune de l’époque. Les couleurs seront sepia, grises, et estompées, pour s'intégrer dans l'atmosphère ambiante, les toiles devant même s'adapter aux meubles d'exposition. Yvonne Jean-Haffen, collabore à l’exécution de l’ensemble et peint pas moins de 5 compositions représentant des paysages géologiques.  Méheut signe les 20 autres. Le cycle est exécuté entre mars 1942 et décembre 1946. Si le bâtiment de l’Institut est inauguré le 15 mai 1947, le marouflage de l’ensemble des panneaux n’est achevé qu’en mars 1948.


Je vous passe les vicissitudes de ces œuvres, finalement réinstallées en 1995 dans le bâtiment du campus de Beaulieu, abritant aujourd’hui le musée de géologie-Géosciences Rennes. Figurez-vous que j’aurai passé cinq ans à Beauregard, en ignorant la proximité de ces merveilles ! Sans doute je travaillais trop à me préoccuper de pesticides ; de porcs, et d’Enseignement Agricole ?


Naturellement, l’œuvre la plus célèbre, sans compter qu’elle est grande :  Les Mammouths (195x295cm) . Ils sont armoricains, les roches de l’arrière-plan étant de toute évidence une évocation libre du Mont-Dol où l’espèce était abondante au Moustérien. Les loups qui se tiennent à l’écart appartiennent également à la faune de la région. Les rudes conditions climatiques qui régnaient sur l’Europe moyenne à l’époque du Renne et du Mammouth sont suggérées par quelques bouleaux chétifs.


Existent également les Rennes (195x392cm) ; les Rhinocéros laineux (195x303cm) ; les Bisons (195x373cm) ; sans oublier le Mont-Dol lui-même (201x317cm). On voit les scientifiques procéder à des reconstitutions de squelettes. Et de nombreux paysages.


Nous parcourons donc le Mont Dol, et faisons sous la pluie le tour de la falaise. C’est un massif de granite, mais je ne sais quelle éruption magmatique a insufflé dans des failles ce qui est devenu un filon de dolérite.

Une roche bien connue au Néolithique pour sa facilité de taille permettant de polir de belles haches de pierre. Je n’ai qu’une envie : aller au champ Dolent, voir le plus haut menhir de Bretagne, avec ses 9,3 mètres au-dessus du sol, mais il paraitrait qu’il y a 5 mètres enterrés pour assurer sa parfaite verticalité. Il pleut toujours, mais on y va : il a été détaché on ignore comment du Mont Dol. Transporté sans doute (sur 5 à 6 Km) par un convoi de mammouths, j’imagine pour signaler l’existence d’un quelconque courant tellurique ? ou la place d’une constellation intéressante au solstice d’hiver ?




















Ce qui est amusant, c’est qu’ « ON » a laissé au pied un bloc bien poli de dolérite !

mystère des anciens temps,

on se dit que les mecs ne devaient pas être aussi ignorants qu’on croit ?